Description
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Le fait que ce soit dans Djenné, « ville la moins exposée aux influences extérieures », que le style soudanais se soit le plus développé, milite pour l’originalité du soudanais et est un crédit à l’idée d’un génie africain ainsi que d’un dynamisme propre. Les réminiscences animistes, la survivance d’éléments de symbolique spécifiques au continent invitent à une archéologie plus précautionneuse. La hiérarchisation sexuelle du schéma soudanais, les subtils renvois à des éléments d’anatomie sont des caractéristiques remarquables ailleurs en Afrique et notamment dans châteaux-forts Tamberma (Bénin, Togo). Le gros du répertoire décoratif surtout dans le sort qu’il fait aux pourtours des portails, est le partage de l’architecture des Dogon et rappelle étrangement leur art du masque. La monumentalité même, les fortifications, le recours au conique sont aussi très africains, et le soudanais se les dispute aux concessions Musgum (Cameroun, Tchad). On peut tout autant dégager un nombre impressionnant de parentés avec les édifices rigoureusement animistes des Lobi, Mossi et autres Gurunsi (Burkina, Ghana). Des observations qui apportent un crédit certain à l’intéressante théorie de Cheik Anta Diop établissant une correspondance entre toutes les architectures de terre du continent. Tout ceci confirme en tout cas sinon que le soudanais est ontologiquement africain sinon que l’Afrique y est en puissance dès ses balbutiements. Avec ou non Djingareiber comme point de départ, l’architecture soudanaise se répandit en laissant des trous d’air, et jusqu’aux barrières que constituent les mondes Dogon, Mossi, Lobi, Somba non assujettis à l’islam et qui conservèrent des formes architecturales originales et originelles, que nous sommes en droit de considérer comme parents de l’ancêtre du soudanais.
Il ne fait donc aucun doute que le soudanais est une mutation d’une architecture africaine. Celle dont les peuples (craintifs, sauvages, farouches, etc. ce fut selon le sentiment des explorateurs), qui sont demeurés rétif à la pensée musulmane, se font encore le porteurs.
On estime, souvent à tort, que la domination, ou le rien de proximité de l’islam ont, (quand malheureusement et ce fut presque systématiquement le cas, elles ne l’ont pas complètement fait disparaitre), eu sur l’art des peuples africains un effet de stylisation et une tendance accrue à l’abstraction. Cet effet sur l’architecture est moins discutable. La volonté de hauteur de la pensée musulmane a jeté l’architecture africaine dans une verticalité unique. Cette exaltation caractéristique, son minimalisme, son dépouillement sont des tendances de l’art nègre dans lesquelles l’éthique mahométane s’est redécouverte. De fait les africains ont réinventé l’islam. Le style soudanais a du porter d’autres réponses à la question du « sens » et dans la pensée animiste et sa « symbolique ». Les nombreuses médiations d’avec la terre et la nature qui se traduisaient en architecture par ce que nous pourrions percevoir comme une débauche d’éléments de décoration, ont du trouver d’autres contenants.
Et on ne peut qu’admirer que la terre, matériau par excellence, et qui jusque dans la perception méta-esthétique même est, de massivité ait pu, pénétré de la mystique musulmane, gagner en quelque impression de légèreté et comme exalté par la force du désir de hauteur, caractéristique de cette mystique, s’élever en les impressionnantes vibrations que constitue l’architecture africaine des mosquées. Il convient pour finir de saisir qu’à l’origine de la naissance du soudanais, a surtout présidé le fait que Djenné, Tombouctou, Gao étaient de grands carrefours commerciaux et le siège d’une émulsion culturelle particulière dont l’architecture la première a bénéficié. Il s’y est développé la première réflexion sur l’évolution possible de styles traditionnels africains et leur adaptation à un mode de vie urbain et métissé. En cela le soudanais intéresse au plus haut point et interpelle les jeunes architectes africains.
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